Un ancien pénitencier accueille une réflexion artistique sur les nouvelles technologies
Les nouveaux lieux de la culture ne sont pas toujours là où on les attend. À Utrecht, aux Pays Bas, le pénitencier Wolvenplein officialise sa reconversion en centre culturel. Après trois mois d’exposition dans cette ancienne prison, le projet Hacking Habitat : Art of Control s’achève sur un bilan très prometteur. Retour rapide sur ce pari réussi.
Erigé en 1856, le pénitencier Wolvenplein (« place des loups » en Néerlandais) est déclaré monument national en 2000. Suite à une baisse notable de la criminalité et à des coupes budgétaires ultérieures, l’établissement ferme officiellement ses portes en juin 2014. Une première intervention artistique s’y glisse en 2015 : Utrecht Down Under, une exposition itinérante présentant les travaux d’artistes locaux dans des espaces inattendus. L’exposition Hacking Habitat : Art of Control qui était présentée du 26 Février au 5 Juin explorait quant à elle l’emprise des systèmes numériques et des nouvelles technologies sur nos vies. Regroupant plus de 80 artistes, cette exposition a été organisée autour de quatre thèmes principaux : Données et Surveillance, La Finance et sa Logique, Forces Destructives en Action, La Violence et ses Contre-attaques.
Stanza, Nemesis Machine, 2015
Dans les couloirs de ce bâtiment cruciforme, l’histoire et les énergies sont encore fraîches. Les organisateurs de Hacking Habitat n’ont pas choisi ce lieu par hasard. Au delà du lien manifeste entre les fonctions de contrôle, de surveillance, et de confinement représentées par la prison et celles découlant des nouvelles technologies et des réseaux numériques, ce bâtiment incarne à la perfection le modèle panoptique révélé par Foucault. Dans Surveiller et punir il prédit et dessine le fonctionnement d’une société de surveillance — basée sur les prisons panoptiques de Bentham — qui devient aujourd’hui effective sous l’impulsion des nouvelles technologies. En invitant ces œuvres d’art dans les murs de Wolvenplein, Hacking Habitat crée un panoptique multidimensionnel : à la fois physique, digital, et social.
Les travaux des artistes s’isolent ou cohabitent dans les cellules récemment désoccupées. Ces œuvres mettent en valeur la capacité des artistes à s’approprier les codes, les techniques et les connaissances, pour ensuite les détourner complètement, les faire s’annuler elles-mêmes, les hacker. Pouvoir, contrôle, ou démocratie, les thèmes principaux de cette exposition amènent les visiteurs à questionner la légitimité de cette société contrôlée à distance (« remote control society ») qui utilise le prétexte de la sécurité et de la gestion du risque pour infiltrer la sphère privée. Pour passer à l’action, Hacking Habitat a notamment offert quatre « life-hack marathon » facilités par des artistes, philosophes, et activistes.
Paul Segers, Walking the Dog, 2016
Au delà d’une exposition pertinente et réussie, Hacking Habitat : Art of Control offre un exemple d’appropriation et de reconversion de l’espace public. Un café a ouvert au sein de Wolvenplein seulement quelques mois après le départ des derniers prisonniers et tout laisse à penser que d’autres initiatives suivront. On peut difficilement trouver mieux que l’art et la création pour permettre à un lieu si négativement chargé de devenir à nouveau attrayant auprès des publics. De plus, ce type d’initiative répond à une autre problématique : celle de la possibilité pour l’art d’exister en dehors des musées, dans tous les lieux, même les plus marginaux, et surtout les plus inattendus.
Connaissez-vous d’autres exemples d’espaces culturels issus de reconversions inespérées? N’hésitez pas à les partager avec nous en commentant ci-dessous.